Objectif et contexte
Un état des lieux en matière de qualité de l’air intérieur (QAI) dans les ouvrages bois avait été réalisée en 2018 dans le cadre de l’axe 3 du Plan Bois 3 (axe 3.2). La synthèse des connaissances sur les concentrations intérieures en polluants volatils des ouvrages bois avait mis en évidence une qualité de l’air intérieur différente de celle des autres ouvrages, avec une signature marquée par la présence d’aldéhyde légers, dont le formaldéhyde, et de terpènes. Mais aucune étude scientifique n’avait réellement permis de différencier ce qui vient des éléments de structure et des revêtements (murs, sol, plafond).
Une approche « laboratoire » évaluant la contribution respective des éléments de structure bois et des revêtements (sol, murs) à la qualité de l’air intérieur a donc été développée, en retenant les principaux modèles constructifs de mur ossature bois et les composants s’y rattachant (configurations de type 1 : isolant en âme - voile travaillant extérieur et de type 10 : isolant en âme - voile travaillant intérieur sans film pare-vapeur). Des mesures en chambre d’essai d’émission selon la norme EN 16516 ont été réalisées afin d’étudier la diffusion des substances volatiles (traceurs du bois) à travers l’ossature et le revêtement mural, et d’évaluer l’additivité (ou non) des émissions entre le mur ossature bois et le revêtement de sol.
Principaux résultats
La première partie de cette étude, réalisée par FCBA et financée par le CODIFAB et France Bois Forêt, a consisté à réaliser des essais d’émission sur des matériaux de construction bois représentatifs des principales configurations de maisons à ossature bois (éléments de structure, isolants, films pare-vapeur) selon la méthode normalisée en chambre d’essai d’émission (EN 16516), afin de caractériser leurs émissions respectives et d’en distinguer leur signature chimique. Différentes substances ont pu être retenues comme traceurs des émissions des produits bois :
- Un terpène, caractéristique des composés extractibles des essences résineuses : alphapinène
- Trois aldéhydes formés par la dégradation des macromolécules du bois (feuillus / résineux) : hexanal, acétaldéhyde, formaldéhyde (aussi retenu comme traceur des collages aminoplastes)
- Un autre aldéhyde, traceur des panneaux en fibres de bois et formé lors du procédé de fabrication (température élevée pour lier les fibres) : furfural
- Un acide carboxylique formé par la dégradation des macromolécules du bois mais aussi lors de la fabrication des panneaux en fibres de bois : acide acétique
L’étape suivante a permis d’apporter une première information sur l’effet « d’abattement » des émissions des traceurs venant des éléments placés côté intérieur. Des modèles réduits de mur à ossature bois sans revêtements muraux ont été fabriqués à partir des principales configurations retenues (élément de structure, isolant, pare-vapeur), et testées selon la méthode normalisée en chambre d’essai d’émission (EN 16516). Pour une configuration représentant un mur ossature bois de type 1, les résultats ont permis de mettre en évidence un effet d’abattement lié au film pare-vapeur selon la nature du traceur, en particulier pour le formaldéhyde, le furfural et l’acide acétique. En revanche, ce phénomène est moins prononcé pour les autres aldéhydes recherchés (hexanal, acétaldéhyde) et le terpène (alpha-pinène). Pour une configuration représentant un mur ossature bois de type 10, la très forte variabilité des émissions du voile travaillant (panneau OSB) n’a pas permis d’apporter de véritables conclusions à cette étude préliminaire.
Ces premiers résultats ont permis de définir et de fabriquer huit configurations de mur à ossature bois à l’échelle 1, puis de les tester selon la méthode normalisée en chambre d’essai d’émission (EN 16516). L’approche expérimentale envisagée a consisté à tester préalablement le mur à ossature bois avec son revêtement mural, puis de rajouter dans un second temps un revêtement de sol (pour la moitié des configurations). Ce protocole en deux étapes avait pour objectif d’étudier la diffusion des substances volatiles (traceurs chimiques) à travers l’enveloppe et le revêtement mural, puis de mesurer l’additivité des émissions entre le mur ossature bois et le revêtement de sol.
Les matériaux approvisionnés pour la fabrication des maquettes à l’échelle 1 sont les suivants :
- Voile travaillant : panneau OSB3 collage PU, contreplaqué pin maritime collage PF
- Ecran rigide : fibres de bois (type 10 uniquement)
- Isolant : laine de verre, fibres de bois
- Film pare-vapeur : SD20m (type 1 uniquement)
- Revêtement mural : plaque de plâtre brute et pré-peinte, lambris en sapin verni et en pin maritime brut
- Revêtement de sol : parquet en chêne massif verni et huilé, parquet contrecollé verni avec un support en panneau MDF et avec un support en contreplaqué
Du fait de cette forte variabilité, les essais à l’échelle 1 n’ont pas réellement permis de fournir une information « quantitative » sur la capacité de diffusion des traceurs à travers le mur ossature bois et son revêtement mural. Néanmoins, cette étude a permis d’apporter certaines conclusions :
- L’effet d’abattement est plus important pour le matériau bois (lambris) par rapport à la plaque de plâtre, qu’elle soit brute ou pré-peinte
- Pour la configuration de type 1, trois traceurs venant principalement du voile travaillant (acétaldéhyde, hexanal, alpha-pinène) ont montré qu’ils pouvaient significativement diffuser à travers le film pare-vapeur et le revêtement mural. Pour ces traceurs, le facteur d’abattement a tendance à légèrement augmenter lorsque l’isolant est en fibres de bois
- Pour la configuration de type 1, deux traceurs venant majoritairement de l’isolant en fibres de bois (furfural, acide acétique) sont significativement bloqués par le film pare-vapeur et le revêtement mural
- Pour le formaldéhyde, et quel que soit le type de mur ossature bois, les résultats ont montré la difficulté de conclure sur l’importance de l’effet d’abattement, du fait de l’émission de ce traceur par la plupart des mono-composants.
En revanche, la nature et le nombre restreint de configurations testées n‘ont pas permis de répondre à l’influence de l’essence de bois (et de la finition appliquée) sur la capacité du revêtement mural à limiter les émissions de traceurs chimiques.
Globalement, l’ajout d’un revêtement de sol (parquet massif et contrecollé) n’a pas montré d’augmentation significative des émissions des traceurs chimiques, excepté pour l’acide acétique (traceurs des parquets en chêne). Un parquet contrecollé avec un support en panneau à base de bois émissif en formaldéhyde pouvait augmenter la contribution du revêtement de sol.
Enfin, les résultats ont confirmé l’hypothèse d’une additivité des émissions entre le mur ossature bois (avec son revêtement mural) et le revêtement de sol, excepté l’acide acétique. Néanmoins, ces résultats se limitent aux seules configurations testées avec un parquet contrecollé, les parquets en chêne massif testés présentant des niveaux d’émission proches ou en dessous des limites de quantification analytiques pour la majorité des traceurs.
Points clefs et valorisation
Les travaux en l’état actuel ne sont pas diffusés.
L’étude CREOBAIR fournit des premières informations sur la capacité de certains composants d’un mur ossature bois à abattre les émissions en composés naturels du bois (aldéhydes, terpènes, acides carboxyliques). Elle a aussi confirmé la complexité des phénomènes de diffusion à travers le revêtement mural. Les différentes conclusions du projet sont à relativiser, du fait de la difficulté d’extrapoler les essais de laboratoire aux environnements intérieurs (réactivité chimique, adsorption / désorption des substances volatiles à la surface des matériaux).
En revanche, les résultats sur l’additivité des émissions entre le mur ossature bois et le revêtement de sol sont encourageants dans l’optique d’un approche calculatoire pour estimer la contribution de ces éléments à la qualité de l’air intérieur.
Cette étude de laboratoire reste prospective car elle n’a pas voulu recréer les conditions dynamiques d’échange à travers le mur ossature bois (sens du flux d’air pouvant s’inverser selon les conditions climatiques extérieures). Le protocole mis en place se caractérise plutôt par une diffusion passive vers l’air intérieur de la chambre d’essai d’émission (gradient de concentration entre le matériau et la couche d’air au contact du matériau). Ces comportements d’émission à travers le mur ossature bois et le revêtement mural ne reflètent donc pas totalement une situation réelle d’usage.
Une recherche bibliographique sur des études de laboratoire ou de terrain présentant des émissions des produits bois ou des ouvrages bois dans des conditions dynamiques d’usage, et/ou au-delà de 28 jours, serait un point préalable à la poursuite de ce type d’étude. D’autre part, une étude de terrain, en se plaçant dans une situation réelle d’usage et en mettant en place un suivi sur du long terme, pourrait compléter l’approche documentaire et valider les premières orientations de cette étude prospective de laboratoire.